Interview : Denis Bouchard, le pharmacien du village

Voilà donc l’objectif : Interviewer ce que le village compte comme forces de vie et d’actifs, de façon à voir un peu tous les points de vue de tout le monde, et pouvoir dégager les grandes lignes de ce que l’on pourrait faire pour améliorer la situation des commerçants, artisans et autres professionnels du village….

Voilà donc l’objectif : Interviewer ce que le village compte comme forces de vie et d’actifs, de façon à voir un peu tous les points de vue de tout le monde, et pouvoir dégager les grandes lignes de ce que l’on pourrait faire pour améliorer la situation des commerçants, artisans et autres professionnels du village.

Donc en gros, j’ai 4 questions. La première c’est : Comment et pourquoi Saint-Léger ? Comment ça s’est passé dans les années qui viennent de s’écouler ? Comment ça se passe aujourd’hui ? Et comment ça devrait se passer à l’avenir ?.
Donc St-Léger, pourquoi, comment je suis arrivé ? Par hasard en fait. C’était une pharmacie je ne sais pas si vous vous étiez, à l’abandon en redressement, sans salarié à l’époque. C’était ma première installation et ça sera la seule unique. Bah voilà, ce n’était pas très loin de chez moi, j’habite à 20 minutes d’ici, bon je me suis dit qu’il y avait y avait quelque chose à faire que l’emplacement était sympa. Je ne sais pas ce qui s’est passé pour qu’elle soit en redressement. Aucune facture n’était payée, un très mauvais caractère, envoyer balader les gens et puis ben je suis arrivé là c’était un peu la pharmacie à l’abandon quoi, d’un autre temps.
L’informatique qui n’était pas top, aucune tenue des registres professionnels, plein de problèmes avec ses fournisseurs.
Moi je ne connaissais pas Saint-Léger puisque je suis de l’autre côté de la nationale 12. Bah, je m’y suis plu, la clientèle m’a plu et puis voilà. Ca fait 25 ans et je n’ai pas dans l’idée d’aller changer de ville.
Il y a eu une reprise de passif en 99, elle avait un passif de 5 millions de francs.


Moi je me rappelle la création. On est arrivés dans les années 60, et en 70, il n’y avait pas de pharmacie, et je me rappelle qu’on avait signé une pétition à l’époque parce que l’ordre des pharmaciens, et les pharmaciens de Rambouillet notamment, ne voulaient pas qu’il y ait une pharmacie à Saint-Léger
Pour pouvoir créer ici il a fallu compter un peu sur la population de Poigny, un peu sur Condé un peu sur Les Bréviaires un peu Adainville qui représentent donc la zone de chalandise soit environ 3 500 habitants.
Aujourd’hui c’est tout le problème des pharmacies rurales dans des zones de désert médical quand vous avez une pharmacie dans un village 1 500 habitants c’est n’est pas viable.
Remonter la pharmacie, on va dire, en ayant en stock les produits que les gens veulent, en essayant d’être aimable c’est assez basique. En faisant le boulot ça remonte tout seul. Très vite j’ai commencé à avoir du monde et je me suis rendu compte que tout seul je ne suffisait pas. Aujourd’hui il y a trois employés plus moi, on est 4 en tout. Une équipe qui est fidèle depuis 15 ans.


D’accord. Et donc, les forces et les faiblesses ?
La principale faiblesse, c’est qu’on est petit par la taille, donc les gens vont souvent penser qu’ils ne vont pas trouver les choses chez nous. Ils se disent que si on est petit, on ne peut pas commander de la même façon que les grands. Or, on a accès aux mêmes plateformes et aux mêmes grossistes. Les clients pensent que chez moi ça va être cher, alors que ça ne veut rien dire. On a les mêmes réseaux de distribution, on a les mêmes laboratoires qui nous livrent. Votre traitement remboursable ne sera pas plus cher ici qu’ailleurs. Aujourd’hui il y a de plus en plus de pharmacie XXXL avec des surfaces de vente de 400 – 600 m² et qui sont axées sur la parapharmacie. Et le médicament devient subsidiaire.
Moi, ce n’est pas ma façon de voir la pharmacie. La pharmacie c’est avant tout du soin et le reste vient en complément, mais on ne doit pas se transformer en supermarché, ce n’est pas ma façon de voir.


Le chiffre d’affaires se répartit comment entre le soin et la parapharmacie, entre le soin et ce qui n’est pas le soin ?
C’est 60 % pour le soin. 60/40, c’est atypique. Aujourd’hui les pharmacies rurales sont plutôt à 95 % sur du produit remboursable.
On a développé au fur et à mesure une expertise, on récupère du monde et on a une clientèle axée sur les produits véto et c’est qui qui ramène du monde. Et c’est ce qui permet à la structure d’être viable parce qu’il faut savoir qu’aujourd’hui, compte tenu de la baisse des prix des médicaments, il y a des ordonnances pour lesquelles on est en perte. Il faut savoir qu’en France il y a une politique de baisse de prix du médicament depuis 15 ans, d’où les pénuries de médicaments.


J’ai d’autres sources dans le monde qui m’ont expliqué le mécanisme. Effectivement c’est complètement logique. En France, on vend moins cher, il n’y a pas de marge et les labos gèrent d’abord l’export parce que ça paye et s’il en reste, on livre les pharmacies françaises.
Nous avons une expertise de conseils et l’équipe est assez experte avec 30 ans d’expérience.
Ici, aujourd’hui, une pharmacie même avec les meilleures pharmaciens-préparateurs du monde ne marche pas s’il n’y a pas un potentiel de prescripteurs.
Lorsque le Docteur Jouin est partie, il y a eu un peu moins de passage. On a perdu des clients clairement parce que, même s’ils habitent à Saint-Léger, ils sortent de chez leur médecin à Rambouillet et e rendent à la pharmacie la plus proche.
Aujourd’hui les systèmes qui se développent le mieux ce sont les maisons médicales. Toutes les communes qui ont développé des maisons médicales ont permis de stabiliser, voire d’attirer des professionnels. Et créer un pôle santé, c’est ce qui permet à tout le monde de travailler correctement. C’est ce qui a été crée à Thoiry il y a moins de 10 ans, à l’initiative de la pharmacie. Un bâtiment a été crée dans lequel 3 médecins, infirmiers, personnels paramédicaux ainsi que la pharmacie ont été installés. C’est ça qui fait que les gens disposent d’une offre globale sur place.
Par le passé j’avais sollicité une réunion avec les médecins (les docteurs Juin et Sene), les infirmières et la Mairie. L’idée était d’acheter le bâtiment à l’abandon dans la rue de la Harpe, juste en face.


C’est lequel ? Ah oui le bâtiment l’ancien bâtiment de Thierry Jumentier ?
Il est mitoyen avec le terrain de l’école. Faire un cabinet médical, des appartements, quelque chose qui soit centré sur le soin, au centre du village.

Qu’est-ce qu’il y a bloqué ?
Bah, on m’a répondu à l’époque « il faut estimer le prix au niveau des domaines… On attend l’estimation, on attend l’estimation ». Et puis et puis voilà, c’est rester lettre morte…

D’accord ça s’est passé comme ça, mais ça reste toujours l’idée puisque le bâtiment n’est pas vendu ?
Il n’est pas encore vendu mais rien n’a bougé, c’est resté c’est resté lettre morte. Avec une population vieillissante il faut qu’il y ait du soin.
Aujourd’hui le docteur Séné a 62 ans il ne sera certainement pas là dans 20 ans. Si on n’anticipe pas un peu le risque, le village se trouvera sans médecin.


Tous les autres, les ostéo et autres professionnels de santé qui sont implantés en face ou aux Bruyères, ça prescrit ?
Non, ça ne prescrit pas. Quelqu’un qui va venir chez l’ostéo va se dire « tiens bah y a la pharmacie en face je vais prendre mes médicaments là. Je vais venir voir s’ils ont pas un gel de massage ou un truc », mais ça n’est pas de la prescription . Donc il faut qu’il y ait plusieurs médecins avec délivrance d’ordonnances, avec la carte vitale.

Et le véto ?
Comme y a peu de professionnels qui font des produits véto en pharmacie on a une clientèle qui qui vient de partout, qu’il y ait un veto ou pas de véto sur place. L’arrivée du docteur Gonon a généré un petit surplus d’activité. On est une des seules pharmacies du sud des Yvelines spécialisé dans les produits véto

OK. Donc aujourd’hui la situation financière de la pharmacie c’est comment ?
Ca va c’est viable. Oui c’est viable, mais c’est je ne connais personne dans la profession qui me dise qu’aujourd’hui c’est flamboyant. On a senti une récession en janvier-février, puis depuis mars c’est plus vivant.
Mais comme il y a une augmentation globale des prix, ça va coincer, ça ne peut pas indéfiniment fonctionner avec des augmentations tous les jours. Et puis et puis le gouvernement veut dérembourser les maladies chroniques, etc…
Donc oui, une officine de ma taille est viable parce qu’on l’a développé par rapport à ce qu’elle était quand je l’ai prise, mais il ne faudrait pas grand-chose pour que la mécanique s’enraye, surtout avec trois salariés, qui représentent de grosses charges.

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