Souvenir du temps où St-Léger avait une boucherie…

Il y a bien longtemps, St-Léger disposait d’une boucherie tenue par M. et Mme Jumentier. Le billot en bois sur lequel il travaillait était creusé par les années de travail. Pour compléter le portrait, disons qu’il était un pince-sans-rire pour quiconque se révélait sensible à son humour. il fallait savoir que M. Jumentier ne poussait jamais à la consommation, il avait même tendance à en donner un peu moins que nécessaire. Il justifiait ce comportement par une remarque malicieuse :
« Attention, si c’est bon et que vous leur en donnez beaucoup, après, ils reviennent ! » 
Il fallait donc éviter la référence au nombre de convives et commander au poids. Il se mettait alors au défi de couper les morceaux à 5g près comme on le lui avait appris lors de son apprentissage. Il avait d’ailleurs pas mal de succès à ce petit jeu.
Mais il avait aussi son petit caractère. Ainsi si vous lui demandiez du bacon en prononçant avec le moindre soupçon d’accent anglais, il n’en avait pas. Il fallait prononcer à la française (ba-con). Un jour, un client lui demande une entrecôte, il prend la pièce et la positionne sur le billot pour la découper. Le client dit alors :
« Ah, non, ça va être trop gras, donnez-moi plutôt du faux-filet ! »
Aussi sec, il le mit à la porte, le client n’obtint rien et dût repartir bredouille.
Les commerçants comme lui n’avaient rien à prouver, ils avaient du tempérament et il fallait bien réaliser que, en entrant dans leur magasin, on entrait chez eux et qu’il fallait donc respecter leur règle du jeu.